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@udrey
5 juin 2007

ParoleS d'adoptée

Oui j'ai mis un S à paroles car bavarde comme je suis, je ne saurai exprimer cela en UN mot! hi hi hi... ça commence bien...
Ce post est une lettre pour Capucine, je suis encore une fois "tombée sur un blog" qui traite d'un sujet qui me tient à coeur : mon adoption.

Voilà, j'ai été adoptée... révélation peut-être pour certaines d'entre vous... évidence pour d'autres qui me connaissent "dans la vraie vie". Ceci est un témoignage pour tous :
- aux personnes qui se battent avec les services sociaux pour un agrément en vue d'une adoption,
- aux personnes qui viennent d'adopter, et qui ont parfois du mal avec le nouvel arrivant
- aux personnes qui se posent des questions sur le devenir d'un enfant adopté,
- aux grands enfants adoptés qui veulent comprendre,
- et tous les curieux et tous ceux qui ont "juste envie de savoir"
- et ceux qui passaient par là et qui n'ont que ça à faire que de me lire   ;o)
- et bien sûr ceux qui m'aiment et veulent "en savoir plus"   :o))  (ben voui, y'en a!)

Historique en Corée
Je suis née et j'ai vécu 6 ans en Corée du Sud. A 5 ans, j'avais une petite soeur, un grand frère, un papa et une maman. Nous vivions dans un milieu rural, simplement, sans que ce soit la misère. Un jour, mes parents nous ont emmenées, ma soeur et moi, dans un hôtel (genre pension de famille). Mon père m'a dit de prendre soin de ma soeur et qu'ils allaient revenir bientôt. En fait, c'est la police qui est venue nous chercher. On nous a emmené toutes les deux à l'orphelinat où nous avons passé un an. Un an... j'en garde des souvenirs de lutte continuelle... mon caractère combatif viendrait de là...

Historique en France
Mes parents se sont mariés en 1964, à 22 ans. Maman voulait 2 garçons, deux filles. Mon père... ben il voulait des enfants "comme tout le monde". Après avoir vainement essayé les méthodes "naturelles", ils ont décidé de consulter des médecins. Verdict : maman a des muqueuses vaginales acides, mon père a des spermatozoïdes faibles... A l'époque (années 60-70), on ne parlait pas encore d'insémination arficielle. L'adoption leur est apparue comme la seule solution. Trois dures années de visites médicales, d'entretiens avec des médecins, des psychiatres, des avocats, des assistantes sociales... ils ont enfin leur agrément en 1973! Ils passent par une association agréée, qui leur a été conseillée pour leur rapidité d'exécution mais extrêmement onéreuse (oui c'est une association, pas une oeuvre caritative!). On leur vend un garçon, un bébé coréen de 8 mois. Il a été abandonné à la naissance, il a été hospitalisé pour... euh... sous-nutrition, il est guéri, il attend dans une pouponnière de Séoul. Mes parents ont été fous de joie, les deux familles de chaque côté aussi, c'est fête!
Après 3 ans, maman décide qu'il est temps d'adopter une fille maintenant. La même association leur explique qu'ils ne peuvent leur donner à nouveau un bébé puisqu'ils en ont déjà eu un. Et puisqu'ils veulent une fille, et bien ce seront deux filles qu'ils pourront avoir, deux soeurs. Comme maman en voulait 2... ben elle accepte en se disant que ce sera un chemin plus court vers la famille dont elle rêve!

La rencontre
Côté France, Maman était folle de joie, toute excitée. Mon père, mon frère, mes tontons l'étaient tout autant. Ils étaient partis de la maison au milieu de la nuit pour être à 7h00 à Roissy. Quelle désillusion pour eux! Voilà, le ton est donné.
Côté Corée, on ne nous a pas préparées. On nous a mis des vêtements propres sur le dos, on nous a emmené dans une voiture toutes les deux et HOP dans l'avion. Pas d'explications, rien. Je me souviens m'être bien amusée dans ce gigantesque avion... sans comprendre qu'il nous emmenait très très loin de notre pays.
A l'arrivée, nous sommes descendues et une hôtesse de l'air nous a montré une famille (tiens, y'a un petit garçon comme nous!). Nous devions partir avec eux... Je ne comprenais pas. Je ne voulais pas. Ces gens parlaient et je ne comprenais rien. Je leur parlais et eux non plus ne comprenaient rien. On m'a donné un nounours. N'en voyant pas l'utilité, je l'ai jeté à terre. Je pleurais. Ma soeur pleurait. Imaginez la tête de notre nouvelle famille... ils attendaient deux poupées coréennes heureuses d'être adoptées, ils avaient en face d'eux deux braillardes... Ils nous ont emmené à la voiture et lors du trajet, j'étais tellement énervée que j'ai vomi dans la voiture... toute neuve... un cauchemard pour tout le monde.
A la maison, l'acclimatation dans les deux camps fut difficile. Je ne voulais rien manger. Maman ne voulait pas que l'on parle coréen entre nous. J'ai mis du temps à comprendre que c'étaient mes nouveaux parents, mon nouveau frère, ma nouvelle langue.

L'association agrémentée (je tais le nom puisqu'ils n'ont plus cet agrément)
La rencontre a eu lieue en 1978. On ne parlait pas autant qu'aujourd'hui de la psychologie pour enfants. Donc si les méthodes de maman paraissent parfois barbares, il faut comprendre qu'elle manquait d'informations. En cela, j'en veux à cette association qui s'est contentée d'encaisser les chèques. Ils "fournissaient" les enfants c'est tout, ils ne donnaient pas de mode d'emploi, ni de conseils. L'adoption d'enfants âgés ou en âge de comprendre est une chose difficile à laquelle il faut être préparé. Et mes parents ne l'étaient pas. Ils ont juste eu le droit de leur verser 100.000 francs en tout (dans les années 70, c'était le prix d'une maison!)

Les services sociaux
Mes parents ont passé des batteries de tests, examens médicaux et entretiens psychologiques. Tout cela n'a pas pu mettre en avant deux choses primordiales : mon père ne voulait pas d'enfant et maman est une femme-enfant irresponsable.
Le résultat est que mon père est parti avec la première femme venue qui a bien voulu de lui, deux ans après notre arrivée en France, ma soeur et moi. Et que pour signifier son départ, il a dit à maman que si elle veut adopter un quatrième enfant, ce sera sans lui puisqu'il part... très élégant... Quant à maman, grâce à l'aide des tontons, elle a réussi tant bien que mal, à élever ses trois enfants adoptés.

Le bilan
Mon père ne voit plus ses enfants. Maman voit grandir ses petits-enfants avec adoration. Nous, on est tous les trois contents d'être là où nous sommes. Je suis consciente de la chance que j'ai eue. Ma maman sera toujours ma maman. Même si parfois elle me fait hurler de rage (j'ai 35 ans tout de même), mon coeur d'enfant est à elle. Et je pense que c'est le cas de mon frère et de ma soeur. Il n'y aura jamais d'autre maman qu'elle. Qu'importe la biologie, elle nous a fortement désiré, elle nous a élevé, elle a galéré pour nous, elle nous a aimé et cela seul importe. Pourtant nous lui avons "fait bien des misères". Mon père lui avait dit que la DDASS lui reprendrait ses enfants. Elle lui a donné tort. Nous aimons notre maman sûrement plus encore que des enfants naturels car nous savons ce que nous lui devons.
(Petite parenthèse : contrairement à cette idée reçue, même aux pire moments de la crise d'adolescence, jamais mon frère, ma soeur ou moi n'avons un jour dit "de toute façon, t'es pas ma mère". Comme quoi il nous paraît évident qu'elle est notre seule maman)

THE question
Je ne peux m'empêcher de parler de cette question qui revient souvent pour des personnes adoptées : si tu pouvais retrouver ta vraie mère, tu le ferais?
NON
. Ma vraie mère est rousse, a les yeux verts, fait 1m55, vit dans le Nord.
J'ai toujours pensé que la recherche de la mère biologique est un leurre pour donner de l'espoir à des enfants ayant perdu leur identité. Nous sommes français. La femme qui vit de l'autre côté de la planète, qui m'a enfantée, qui m'a abandonnée, a de ce fait perdu tout droit d'être appelée maman. Elle avait des raisons, valables ou non. Peu m'importe. Elle l'a fait. Je ne lui en veut pas. Car grâce à ce choix, j'ai pu vivre en France, parler français, faire des études, me marier (divorcer aussi, tiens), avoir mon petit Thomas.
Je crois qu'il y a 3 résultats seulement à cette recherche :
- on cherche mais on ne trouve pas. Ca grève le budget et ça n'apporte que de la frustration.
- on cherche et on trouve. Elle est heureuse de retrouver son enfant. Elle veut "renouer", elle regrette ce choix fait il y a tellement longtemps (bien tiens...). Sauf qu'elle vit de l'autre côté de la planète, que je ne parle plus le coréen, qu'elle ne parle pas français, je ne vais tout de même pas re-faire le chemin en sens inverse, de française, devenir coréenne! zut alors! Ah oui, il y a internet... mais le problème de la langue est toujours là... cela ne crée donc que des relations superficielles qui ne sauraient remplacer une relation mère-fille. Et pour peu que les problèmes financiers (ben oui, ils en ont eu forcément pour abandonner sa progéniture) ne soient pas résolus... et bien me voilà à financer des gens que je ne connais pas mais qui ont 7 allèles en commun avec mon ADN... mauvais plan.
- on cherche et on trouve (encore). Elle a reconstruit sa vie. Elle a des voisins, des amis, à qui elle n'a jamais dit qu'elle avait abandonné ses enfants. Si ça tombe, elle a fait d'autres enfants après et elle les a gardés, eux! Elle rejette alors ce fantôme du passé qui ne fait que l'embarrasser. Mauvais plan aussi.
Autre chose primordiale mes yeux : maman. C'est sa hantise ça, que l'on se mette à chercher nos parents biologiques. Le simple fait de lui dire que j'aurai bien voulu visiter la Corée lors de mon tour du monde, a suffit pour déclencher les chutes du Niagara directement de ses glandes lacrymales... si c'est vrai... elle a peur que l'on se détourne d'elle... n'importe quoi... mais on aura beau le lui répéter, elle refuse que nous y retournions, même en touriste! De son vivant du moins  :o))  oui car elle nous a donné son autorisation pour qu'on y aille après son décès... pfff... et elle va faire centenaire, c'est sûr... bon ben tant pis hein, on ira voir d'autres pays...

Pour finir...
Avec tout ça, on aurait pu se dire que nous finirions en prison, ou drogués, ou SDF, ou cinglés. Que nenni! Nous sommes tous les trois plutôt bien équilibrés, pas exceptionnels, mais bien  :o)  Certes, je suis une femme divorcée mais faut-il y voir un lien avec l'adoption ou le divorce de mes parents? Et pourquoi ce ne serait pas la faute à l'amour aveugle qui peut toucher aussi une personne venant d'une famille unie?
Ma chance est d'avoir des souvenirs de là-bas... et donc de savoir que je n'ai pas été enlevée et que non, je ne suis pas une princesse (zut) ou une riche héritière (mince!) que les parents recherchent encore, désespérés!
hi hi hi... comme quoi, certains clichés ont la vie dure!

@udrey

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Commentaires
S
Quel joli témoignage, j'en ai les larmes aux yeux<br /> Suis très sensible à ce sujet à tel point qu'en ce moment je tricote des doudous pour les enfants nés sous x (je n'aime pas cette expression, elle est trop....trop, quoi !!! )<br /> Ta maman peut être fière de toi et de l'amour que tu lui portes ! beaucoup d'enfants nés et élevés par leurs parents biologiques ne ressentent pas l'amour que tu as pour ta maman ! <br /> Mais tu sais, je crois plus aux liens "choisis" qu'aux liens du sang<br /> Ce sont des paroles pleine d'espoir, merci de les avoir partagées avec nous avec autant de recul, d'intelligence, sans voyeurisme aucun, voilà......
T
En tant que maman adopotive d'une petite fille cambodgienne, j'ai lu ton témoignage avec beaucoup d'émotion. Merci pour ce partage !
S
je réitère ce que je disais dans mon mail ton adoption est une réussite même si les débuts ont été difficiles et sans aucune préparation
P
Très beau et sincère témoignage.<br /> Ça n'a pas du être facile au début pour vous et vos parents adoptifs mais l'amour est plus fort que tout.<br /> Merci en tout cas d'avoir partagé de ton intimité.
P
J'ai cliqué au hasard sur ton lien, et ça m'a fait chaud au cœur de lire ton témoignage , ça a enlevé bien des craintes car mon mari et moi lançons une procédure d'adoption l'année prochaine.
@udrey
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